Depuis que je suis toute petite, je suis plus grande et plus lourde que le reste des gens de mon âge. J’étais toujours dans la courbe du « normal » pour mon âge, mais tout au dessus de la courbe. J’ai toujours été proportionnée, je faisais du sport, je menais une vie saine. Passent les années, et quand j’avais une douzaine d’années, mes copines faisaient toutes du 34 et moi - horreur - du 38, voire du 40, ce qui pour ma taille, était tout à fait normal, mais j’étais incapable de le voir. Je m’en suis beaucoup plaint à ma mère qui, au lieu de m’expliquer que j’étais proportionnée et que je grandissais juste un peu plus vite que les autres, ni une ni deux, m’a emmenée chez une nutritionniste. Ce qui, à cet âge, je pense, est déconseillé. C’est de là que s’est instauré le cercle vicieux qui fait qu’aujourd’hui, loin du 40 d’antan, je fais maintenant du 44. Le fait de m’interdire tant de choses, de créer une faim constante et un désir réfréné de manger les choses que j’aimais a créé une sorte d’obsession, une relation malsaine à la nourriture. J’enchaînais les régimes, mais tous les X temps, j’étais saisie d’une violente envie d’enfourner dans ma bouche tout ce qui était sucré, salé, peu importe, tant que cela faisait partie de l’eldorado gustatif - les denrées interdites. Bien souvent, c’était le black out : je me « réveillais », comme sortie d’un mauvais rêve, la tête dans les toilettes ou couchée sur mon lit avec un mal de ventre terrible, entourée de papiers et d’emballages de victuailles englouties. Ce furent des années très difficiles, mais j’ai fini par en parler à mes parents, qui m’ont pris un rendez-vous avec une psychiatre spécialiste de l’alimentation, qui m’a appris à avoir une relation saine avec la nourriture et m’a aidée à sortir de cette obsession. J’aime toujours manger, je suis toujours un peu gourmande, et je ne fais toujours pas du 36 : mais au moins, je ne suis plus malade.