Mon histoire: Le temps d'une adolescence..

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Excusez-moi d’avance pour le roman… Je me dois de tout vous expliquer, tout, depuis le début. Ce singulier contexte qui a engendré tout cela. Il m’est assez difficile de me replonger dans ces souvenirs… Ces cinq années de douleurs cachées, il me semble les avoir vécues tout en pensant chaque jour que ce n’était qu’un mauvais rêve, que ça ne pouvait pas être ma vie. Quand on vit ce genre de choses, petit à petit on s’y perd nous-mêmes… J’étais telle une morte vivante, j’errais parmi les autres mais ne savourais plus rien de la vie.


Des fois, je me mettais à genoux la nuit venue : je joignais mes deux mains le plus fort possible, et je murmurais, à qui voulait bien m’entendre. Je suppliais de me laisser tranquille, de tout effacer, de tout recommencer à zéro… en vain. Je n’exagère aucun fait. C’est mon histoire, brute et imparfaite. Cinq longues années, mon adolescence, ces années précieuses qui nous forgent à jamais ont été souillées. Je vous écris avec beaucoup d’appréhension, en effet je vais devoir chercher au plus profond de moi et de mes souvenirs afin de tout vous livrer. Je ne veux absolument rien oublier, il me semble que chaque petit détail a son importance. Tout cela a été beaucoup trop dur pour moi, mais qui est à blâmer au final ? Dois-je en vouloir à ma mère ? A mon père, de ne pas avoir vu ma souffrance ? A mon beau-père d’avoir abusé de mon innocence ? A moi-même  peut-être ? Pourquoi pas… Cherchez donc le coupable. Ca ne me rendra pas ces années perdues, ça ne me rendra pas le sourire pour autant…

Pour commencer à vous parler de ce qu’il m’est arrivé, il faut que je vous livre le contexte assez  particulier dans lequel j’ai été malgré moi plongée. Tout d’abord, mon père est alcoolique depuis presque toujours. Depuis… que je suis toute petite et il l’était surement auparavant, bien avant ma naissance. Il ne boit pas à la maison, voire quasi jamais, mais il sort souvent entre copains. Il rentrait, et rentre toujours tard dans la nuit, voire même lorsque l’on peut déjà apercevoir les rayons chauds du soleil transpercer les vitres. J’entends souvent à l’aurore ses pas lourds et maladroits, je perçois son manque d’équilibre, je l’écoute râler de ne pas savoir monter les marches normalement, je le vois à travers le mur tituber jusqu’au fauteuil. L’alcool. Une vraie saloperie quand on n’arrive pas à s’imposer une limite. 

Il a failli perdre la vie, à plusieurs reprises… C’est son côté sombre, le côté qu’on aimerait effacer avec une petite gomme magique. Mais mon père est aussi une personne profondément gentille, il est généreux surtout. En revanche, en dehors de ses sorties entre bons vieux amis, c’est une personne assez solitaire, qui est peu démonstrative. Il ne me prend jamais dans ses bras, n’arrive à me dire « Je t’aime, ma fille » que lorsqu’il a bu un verre de trop… Il est assez réservé, c’est pour cette raison d’ailleurs que je ne me confie jamais à lui comme il ne se confie que très rarement à moi. Je rêverais d’avoir un papa proche de moi, avec qui rigoler le soir, à qui tout dire (ou presque). Mais à vrai dire, le soir, je suis souvent toute seule à la maison. On ne mange plus ensemble depuis des années… Je cuisine mon repas, il prépare le sien.

Je suis fille unique, j’ai toujours été chouchoutée du mieux que mes parents le pouvaient. Ma maman souvent par des tonnes de câlins, de tendres baisers. Mais mon père ne montre jamais ses sentiments, et pour me montrer son affection, il a toujours eu plus facile à m’offrir des choses plutôt qu’à simplement me parler en toute sincérité. Quand je pleure, il ne me prend pas dans ses bras, il ne doit surement pas savoir comment s’y prendre. Il est maladroit, le pauvre.  Je ne lui en veux pas du tout, je me suis habituée à son caractère, à sa façon d’être. Mais je me suis promis de ne jamais être pareille envers mes futurs enfants. En conclusion, je l’aime comme il est : sorteur, secret, solitaire, généreux, gentil. Et puis quand il a divorcé de ma maman, il a absolument tout fait pour pouvoir avoir ma garde, il s’est battu pendant des années. Et cela m’a bien assez prouvé à quel point il tenait à moi. Une fois la garde partagée obtenue, il a pu m’avoir une semaine sur deux, jusqu’à mes dix-huit ans.
Ce fut une affaire assez compliqué et faite d’obstacles car ma maman est une personne surprotectrice. Elle avait peur que mon père fasse n’importe quoi, après ses sorties ou qu’il fasse un accident avec moi, sur la route. Peur, peur et peur. C’est une personne assez fragile… Mentalement également, par conséquent elle est facilement influençable. Ma mère est une personne au grand cœur, un amour, d’une gentillesse inégalable, mais trop certainement… Au cours de sa vie, elle s’est laissée embarquée dans diverses histoires, sa santé mentale en a été affaiblie. Cinq hospitalisations en hôpital psychiatrique durant mon enfance, car elle n’arrivait plus à suivre, trop blessée par la vie. Désormais, elle devait prendre des médicaments à vie, même si elle a pensé à plusieurs reprises pouvoir se débrouiller sans. C’est une réalité, elle est malade, elle est instable.

Je l’ai compris très jeune, compris que si je n’étais pas là pour elle, ma maman allait s’effondrer.  Et ainsi, les rôles se sont inversés. C’était à moi de la rassurer, à moi de lui rappeler les choses simples de la vie, de lui rappeler ce qu’une femme  et une mère à la fois devait faire au quotidien. J’ai très vite pris cette habitude de la protéger, de la faire passer avant moi. C’est la personne qui m’a mise au monde, fragile ou pas, elle a toujours fait du mieux qu’elle pouvait. C’était une relation fusionnelle, pas très saine en y repensant, mais en ce temps-là, nous étions chacune heureuse. Je la soutenais, et inversement.

Ma maman a rencontré mon beau-père vers l’année 2006, lorsque j’avais 10 ans. Il était plus jeune qu’elle, d’une dizaine d’années et était sans papier. Il venait d’un pays étranger et ne savait parler que l’anglais en ce temps-là. Ils avaient l’air amoureux : il était attentionné, lui offrait des fleurs, lui faisait des dizaines de câlins par jour. Sincèrement, j’étais heureuse pour elle. Touchée qu’elle ait ce sourire magnifique aux lèvres après les déceptions vécues avec mon père. Je l’ai très vite accepté dans notre petite bulle, j’ai même découvert une belle complicité entre lui et moi. On jouait aux jeux vidéos ensemble, on rigolait, on regardait des vidéos drôles sur l’ordinateur toute l’après-midi. A vrai dire, j’avais trouvé le juste milieu entre ma maman et mon papa. Il était attentif à mes ressentis quand je n’allais pas bien et il me réconfortait. Vous voyez, il était présent, sans être étouffant pour autant. Il ne remplaçait certes pas mon père, mais j’avais l’impression de trouver ce qui me manquait dans la relation que j’avais avec lui justement : le dialogue. C’était la pièce manquante du puzzle. A trois, on se faisait des journées au parc, des pique-niques. Je n’ai jamais été aussi heureuse qu’à cette période. Vous comprenez ? J’avais l’impression qu’après des années à me battre avec l’alcoolisme de mon père, ses sorties et les déboires de maman, j’avais enfin l’impression de pouvoir respirer, car enfin quelqu’un m’écoutait, je n’étais plus toute seule avec ces cauchemars. 


Elle a rechuté à plusieurs reprises, et pourtant il restait. Il restait là pour elle, et je me disais qu’il était vraiment fait pour elle. Elle aussi, avait enfin quelqu’un sur qui se reposer. Ils se sont donc mariés en début d’année 2008.

Les mois passaient et tout se déroulaient pour le mieux. Je dois vous précisez que suite au mariage, il a obtenu ses papiers belges. Et par la suite, a trouvé un petit boulot. La question se posera jusqu’au bout… S’est-il marié avec elle pour les papiers ? L’a-t-il réellement aimé ? Jouait-il un rôle, à être si gentil, si respectueux ?
Mais à cet instant-là de ma vie, honnêtement, je le pensais sincère.

Quelques mois passèrent, et notre complicité beau-père/belle-fille grandissait. On regardait des films ensemble, allonger dans le fauteuil comme deux pachas. Et c’est là que tout a commencé… Un jour, devant une émission qui passait à la télévision, il a glissé sa main sous mon t-shirt et me caressait le ventre. Je n’ai pas bronchée, tétanisée. Je ne savais pas comment réagir, je savais que ce qu’il faisait n’était pas normal, mais je n’ai rien osé dire… Par la suite, presque tous les jours il faisait ce geste. Un soir, il a glissé sa main le long de mon buste, jusqu’à poser sa main doucement sur mon sein, comme si de rien n’était. De nouveau, j’étais sans voix, incapable de dire quelque chose. Je fermais les yeux très fort, m’efforçant à me dire que tout cela n’était pas possible, que je ne devais pas bouger d’un pouce, je ne voulais pas qu’il pense que j’appréciais cela, que je l’encourageais à continuer. Non ! Au contraire ! Je n’aimais pas sentir sa main posée à cet endroit, j’étais mal à l’aise, je me sentais bizarre, il violait petit à petit mon intimité. Lui, ce grand monsieur si gentil et attentionné jusqu’à présent…

Les jours passèrent, et de temps en temps, il recommençait ces gestes ambigus et inappropriés. Parce qu’en dehors de cela, son comportement envers moi n’avait pas changé. En dehors de cela, il faisait le beau-père normal. Le temps défilait, et ses gestes étaient de plus en plus malsains. Quand ma mère était absente, il se couchait sur moi, et faisait des va et viens. Il m’écrasait de tout son poids, et je ne comprenais pas. Je ne comprenais  pas ce qu’il faisait. Je savais simplement que ce n’était pas normal, et que ce n’était pas le genre de choses qu’il devait faire avec moi. Je n’osais rien dire, ni à lui ni à ma mère. Je laissais faire, en fermant les yeux toujours, en attendant la fin.

Puis vînt une après-midi, ma mère étant pour la énième fois absente. J’étais dans ma chambre, tranquillement. Il est entré, voulait discuter avec moi de tout et de rien. J’essayais toujours de me convaincre que son manège allait s’arrêter. Quelle belle utopie… Il s’est retrouvé à nouveau sur moi, à faire ses va et viens. Et soudain, j’ai eu un haut-le-cœur, mon souffle se coupant net… Sa main s’était glissée sous ma culotte, il ne l’avait jamais fait auparavant. J’ai retiré sa main dès que possible, j’ai rattachée le bouton de mon jeans, et j’ai filé à la salle de bain. J’avais la nausée, je pleurais, j’étais perdue. Après une dizaine de minutes, recroquevillée par terre, je me suis décidée à prendre une douche. Je pleurais toujours, mais ne sentais plus les larmes coulées sur ma joue. Je me nettoyais, j’essayais d’enlever toute trace de ses mains sur ma peau. Ca me répugnait tellement… J’essayais mais au fond, je me sentais toujours aussi sale et honteuse.


Le lendemain, j’ai décidé de sauter le pas. J’ai tout dit à ma maman. Nous étions dans leur chambre, à deux, allongées sur le lit à papoter de choses et d’autres. Et là, je lui ai dit. J’ai absolument tout dit. Elle s’est mise à pleurer, s’est excusée d’avoir été si souvent absente, de n’avoir jamais rien vu. Elle s’est levée, s’est dirigée vers le salon où il était, et a gueulé sur lui. Il s’est énervé à son tour, lui hurlait que je n’étais qu’une menteuse, qu’une manipulatrice. Il venait devant moi, d’un air menaçant, j’essayais de rester forte, de ne pas broncher, même si au fond j’étais terrifiée. Ce fut une terrible soirée, bordée de cris et d’engueulades…

La suite ?
Rien. Ma mère ne l’a pas quitté, elle ne l’a pas foutu dehors comme on pourrait le penser. Tellement fragile, influençable, qu’elle s’est laissé avoir par les larmes de mon beau-père qui soit disant regrettait tout. Qu’il ne savait pas ce qu’il lui avait pris. Hors cela faisait des mois maintenant que ce manège se déroulait.... Elle me disait me comprendre et lui en vouloir de ce qu’il avait fait mais d’un autre côté, elle le gardait dans nos vies. Elle me répétait : « Il faut qu’il retienne la leçon, qu’il comprenne que ce qu’il a fait est mal. » Et je lui en voulais, à ma mère, de le laisser dans notre vie. Pourquoi était-elle si faible face à lui ? Pourquoi se laissait-elle avoir ? Comment peut-on continuer de vivre avec cet homme, s’imaginer dormir encore avec lui, lui dire « Je t’aime », se voir finir sa vie avec lui. Elle a ajouté un peu plus tard : « Si tu as ressenti des choses, des choses que tu ne connaissais pas, c’est normal, ne t’en fais pas. Tu ne dois pas t’en sentir fautive, rien n’est de ta faute. »
Comment peut-on dire cela à son enfant ? Comment peut-on accepter ce genre d’actes dans sa maison ? Moi, sa petite fille qu’elle aime par-dessus tout ? N’était-elle pas censée me protéger ? COMMENT ? Je me suis alors repliée sur moi-même. Jusqu’à ce jour, j’avais préféré garder le silence en espérant que cela s’arrête un jour. Et quand enfin, je pris mon courage à deux mains, quand enfin je me forçais à être forte, voilà ce que je recevais en retour. Absolument rien. Enfin si… Une comédie de larmes, de faux remords, une mère trop naïve et extrêmement faible.

Les mois ont passé, je ne lui adressais plus la parole à cet homme qui partageait encore notre quotidien. Je l’évitais, le niais, il n’existait plus à mes yeux, tout simplement. J’étais dégoutée et écœurée par la tournure de cette histoire. Ma mère n’arrêtait pas de me dire de lui pardonner, que c’était une erreur de sa part, qu’il ne recommencerait pas ! Et que s’il recommençait, je me devais de lui en parler tout de suite. Mais la réalité est que je ne me sentais plus du tout soutenue, je me voyais seule, seule face à cette situation.

Oui… Parce que, pour tout vous dire, il a recommencé. Dès que ma mère avait le dos tourné, dès qu’elle partait de la maison, dès qu’elle partait se coucher, il venait près de moi et recommençait tout comme avant. Je me disais intérieurement que j’avais raison, que c’était un salopard, un profiteur. Oui, j’avais raison ! Mais à qui pouvais-le dire ? Ma mère par qui je me suis sentie abandonnée ? Mon père, à qui je ne confie rien de rien et à qui cette histoire lui ferait beaucoup trop de mal ? Cela étant beaucoup trop gênant et honteux pour en parler à une amie, même à ma meilleure amie. Je me suis murée dans le silence, à nouveau.


Idiote, morte de honte, inutile, pas digne de confiance. Je me suis souvent dit que ce silence, ce mensonge me boufferait, me ferait disparaitre de ce monde. Le soir, seule dans ma chambre, j’y pensais. Comment faire pour que ça s’arrête, pour que je ne souffre plus ainsi ? J’imaginais avoir le courage de le tuer dans son sommeil et puis de disparaitre dans la nature. J’ai parfois même pensé que si ma mère avait un accident, qu’elle en mourrait, que je serais débarrassé de lui. Et j’avais honte de penser cela, parce que je l’aime malgré vous savez, même si elle est imparfaite. Je me sentais égoïste et inhumaine de penser cela…

Plusieurs fois, j’ai tenté de parler à mon beau-père, je lui disais que j’étais malheureuse, que je n’aimais pas ça. Il disait qu’il n’y pouvait rien, qu’il était amoureux, et de moi et de ma mère. Qu’il ne pouvait pas contrôler ses sentiments. Je lui disais que cela ne se faisait pas, que ce n’était pas juste envers ma mère. Que je le voyais comme un beau-père, et rien d’autre, qu’il devait se comporter comme tel. Il me disait « Tu crois que ça m’amuse ? Tu crois que je le fais exprès ? Si je le pouvais, j’arrêterais tout ». J’étais l’enfant, il était l’adulte. Et pourtant, c’est moi, haute comme 5 pommes qui tentais de rétablir le bien.  Mais j’étais impuissante. Je me voyais dire ces choses-là, que jamais je n’aurais imaginé pouvoir dire un jour. Je me sentais déshonorante, mauvaise de garder le silence, de ne rien dire. Oui, j’aurais dû tout déballer mais j’avais peur. Peur de lui, peur de la réaction des autres. Ne me blâmer pas, jamais je n’aurais pensé devoir vivre cela, jamais… Et puis, qu’est-ce que vous auriez fait à ma place ? Mieux ? Ah oui c’est sûr, peut-être. Cependant, moi je me sentais toute petite et sans défense. Une fois, alors que je pleurais à nouveau lui demandant d’arrêter, il me lâcha « De toute façon, je ne t’embrasse pas. Je ne fais rien de trop exagérer. » Voilà, pour lui, ce n’était pas si dramatique que cela. Mon ressenti, il s’en foutait pas mal…

Les évènements se sont dégradés. Il m’embrassait contre mon gré, il me touchait même si je n’en avais pas envie, même si j’étais mal à l’aise. Il me forçait à mettre son engin dans ma bouche, à lui faire des choses que je ne connaissais pas, mais que je n’avais aucune envie de découvrir avec lui. Si je refusais, il était de mauvaise humeur et passait sa colère sur ma mère, dès qu’il l’a voyait. Il la rabaissait, l’insultait de tous les noms, faisait mine de vouloir la frapper. Il l’a traitait d’handicapée, qu’elle ne savait rien faire seule, qu’elle finirait sa vie seule,… Petit à petit, il devenait de plus en plus violent envers elle. Alors j’ai accepté, j’ai accepté pour ne pas qu’elle ait d’ennuis, pour ne pas qu’elle soit malheureuse à nouveau, pour ne pas qu’il lui fasse de mal. Je ne disais plus rien, je faisais ce qu’il me demandait, même si cela me dégoutait, même si j’aurais préféré mourir. Je fermais les yeux, encore et toujours. Le plus difficile était de ne pas montrer mon mal-être. Je ne me supportais plus, je n’aimais plus aucune partie de mon corps. Je me répétais en boucle que c’était CE corps-là qu’il voulait, qu’il souillait. Alors je me détestais. De plus, il devenait jaloux. Je ne pouvais avoir de contact avec aucun garçon, je ne pouvais quasi pas me maquiller. J’étais sa chose, son jouet. Il lui arrivait de s’énerver pour pas grand-chose, par jalousie… de me prendre par le cou, de donner un coup de poing à quelques centimètres de mon visage (dans le mur), de balancer des objets à travers la pièce. Il me menaçait sans cesse et menaçait ma mère. Quand j’émettais l’envie de partir vivre chez mon père, il me disait « Si tu fais ça, un jour je reviendrai. Tu croiras que tout va bien, tu croiras avoir la paix, et je vais revenir. Tu rigoleras moins, tu verras. ». J’avais peur de lui, peur de ses menaces dont je le savais désormais capable. Je n’avais le droit de ne rien faire, c’est limite si je pouvais me rendre en cours comme tout le monde. Tout lui faisait péter les plombs. 

Ma mère restait avec lui malgré tout, lui trouvait toujours des excuses, j’avais beau essayer de la raisonner, rien n’y faisait. Il se frottait toujours à moi, nu. Il s’excitait, se masturbait. Me disais tout le temps qu’il rêverait de me prendre ma virginité, quand il le disait, il faisait des gêmissements qui me répugnaient encore plus de lui. Il disait vouloir être le premier. J’en étais malade rien que d’y penser. Sa violence augmentait, sa possessivité, sa jalousie, son contrôle sur tout. Ma mère n’avait plus un mot à dire sur mon éducation. Si MONSIEUR avait décidé quelque chose, il fallait obéir, sinon….
Je m’étais habituée à tout cela, habituée à ces actes et à sa violence. Comme je le disais au début, je me sentais comme une morte vivante. Au fil du temps, je me suis créée une barrière, je tentais de ne plus rien ressentir. Ni douleur ni joie. J’attendais simplement la fin… 
Plusieurs soirs, j’ai tenté de lui parler. J’essayais de le raisonner. Je n’en pouvais plus, ça me bouffait. J’en pleurais la nuit. Quatre années déjà, de silence, de certains soirs de douleurs tues. J’espérais toujours que ma mère surprenne ces gestes, rentre plus tôt du travail ou autre. J’imaginais milles scénarios, mais cela n’est pas arrivé une seule fois… 

Un jour, je lui ai dit, que maintenant c’était fini. C’était au dessus de mes forces, qu’il devait se mettre à ma place, que je n’avais rien demandé et que j’en souffrais plus qu’il ne le pensait. J’ai fait en sorte que ces gestes diminuent, je lui réexpliquais en boucle mes ressentis, mon mal-être. Et à un moment donné, plus rien. J’avais enfin « réussi », après cinq ans à en trouver la force, à essayer de lui tenir tête, j’y étais enfin arrivée et cela avait payé. Je me sentais toujours mal chez eux, cela faisait déjà des années que je ne me sentais plus chez moi, plus en sécurité, étrangère à leur vie. Les menaces continuaient malgré tout, la violence presque physique et psychologique continuait. Alors quelques mois plus tard, une fois majeure, je suis partie. Qu’il soit d’accord ou non, j’ai écouté mon cœur. J’ai arrêté de penser à ma mère, à son bien-être à elle. J’ai enfin compris que je ne devais plus la protéger, elle sait avec qui elle vit, elle a fait le choix de ne pas arrêter cette relation, et je ne devais pas en payer le prix. Même si je l’aime et l’aimerai toujours, je ne pouvais plus. Je l’ai compris grâce à la psychologue qui m’aide depuis plusieurs mois. Grâce à mon petit-ami, qui l’a appris sans que je le veuille, mais qui me soutient, qui m’aide au quotidien. Je fais encore des cauchemars affreux, je pleure encore parfois d’avoir du vivre tout cela. Ma mère ne sait toujours rien, mon père non plus, et personne d’autre ne le sait. Enfin si… Vous maintenant.

Pour finir, je dirais qu’il faut cesser de penser aux autres. Cela vous semble évident, mais pensez à vous. Vraiment. A vos besoins, vos envies. Je me suis laissée embarquée dans une histoire que je ne voulais pas vivre, parce que j’ai pensé à mes parents, j’ai pensé à la honte de devoir en parler à quelqu’un, j’ai pensé à ma mère fragile. Je pensais que je ne m’en sortirais pas. Mais si, tout est possible.

Même si ce n’est pas facile, même si il vous faut du temps, un jour on se libère de nos chaines.
Et alors, si quelqu’un a vu le film « Le Monde de Charlie », même si il était beaucoup plus jeune que moi lors des faits, je m’identifie énormément à ce personnage. Qui tente de réapprendre à vivre, mais qui cache au fond de lui un lourd secret qui le ronge. Ce n’est pas un film « prestigieux », qui aurait eu des Oscars, mais il me touche. Je pleure à chaque fois. Je me reconnais dans son innocence, dans sa gentillesse et sa maladresse. Abusés, violés dans le silence. Cependant, je ne suis plus une enfant, je suis une jeune femme qui réalise qu’elle s’en est tout de même bien sorti au final. Je ne suis plus innocente, plus ignorante du monde des adultes. Tout cela pour vous dire que moi aussi, je réapprends à vivre, comme lui.

Merci d’avoir lu…

Si vous désirez poser plus de questions quant à l'histoire vous pouvez toujours envoyer un mail ici: blog.bdnplg@gmail.com

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